Informer le monde scolaire

Prévention - Longtemps banalisé, l'usage de cette drogue préoccupe l'Education nationale. L'Académie de médecine vient d'organiser un colloque sur ce thème.

AVEC 1,7 MILLION d'usagers occasionnels de cannabis et 280 000 consommateurs réguliers chez les moins de 18 ans, la France est un des pays européens le plus touché par cette addiction, en augmentation exponentielle chez les adolescents. De plus en plus jeunes d'ailleurs, dès l'âge de 13-14 ans. Un phénomène préoccupant, car leur système nerveux, en pleine phase de remaniement physiologique, est encore très vulnérable à des toxiques extérieurs.

D'autant que, aujourd'hui, les doses contenues dans un «joint», sont plus concentrées en tétrahydrocannabinol, son principe actif, que par le passé.

Désireuse de mettre l'accent sur l'importance de l'information auprès des plus jeunes, l'Académie de médecine, avec le Pr Roger Nordmann se bat depuis des années pour faire reconnaître les risques inhérents à cette substance. Elle vient d'organiser un colloque sur ce thème avec le rectorat de l'Académie de Paris. Car, aujourd'hui, on estime que, dès la seconde, deux tiers des élèves ont goûté au produit et 10% en fument très régulièrement.

«Cette banalisation du cannabis repose sur la complaisance du discours ambiant et sur l'affirmation, parfaitement erronée d'ailleurs, de son absence de dangerosité», pointe le recteur Maurice Quénet, pour qui la consommation s'est aujourd'hui répandue dans tous les établissements, même les plus sérieux. «Pourtant, chacun constate les dégâts liés à une utilisation un peu prolongée. C'est un facteur majeur de baisse des performances scolaires et de désocialisation», soutient-il.

Les avis restent encore très contradictoires, entre partisans du laisser-faire, longtemps les plus nombreux et ceux du tout interdire. «Malheureusement, l'information est par trop binaire alors qu'il faudrait savoir manier la nuance», analyse le Dr Philippe Nuss, psychiatre à l'hôpital Saint Antoine, et coordinateur d'une consultation d'addictologie. «Fumer du hasch pour les adolescents, c'est non seulement une preuve revendiquée de leur jeunesse, c'est aussi un affichage libertaire, associé à des présupposés d'indépendance d'esprit.» C'est aussi un facteur d'intégration au groupe.

Des impressions paranoïaques

Les usagers réguliers (plus de trois joints par jour) perçoivent pourtant bien la dualité du produit qui les aide certes à avoir des copains, à mettre à distance leurs soucis, mais qui provoque aussi une démotivation, des difficultés cognitives, des impressions paranoïaques, de l'anxiété. «C'est donc en termes de bénéfice/risque qu'il convient d'aborder avec eux la question de l'usage», estime ce psychiatre. «Ce faisant, on établit une démarche dialectique qui possède à elle seule une fonction de prévention par la responsabilisation qu'elle induit. »

Ce psychiatre fait aussi la différence entre les fumeurs occasionnels et les consommateurs réguliers. Chez les premiers, le cannabis perturbe la motivation et les résultats scolaires. Chez les seconds, beaucoup plus en danger, il entraîne des troubles de l'attention, du contrôle des mouvements, une atteinte de la mémoire de travail, des difficultés d'intégration des informations complexes. Il perturbe aussi l'acquisition des compétences sociales, nécessaires à une vie professionnelle et affective ultérieure. Et, chez certains sujets prédisposés, il peut précipiter l'apparition d'une schizophrénie et la rendre plus résistante au traitement. Il pourrait aussi faciliter l'apparition de maniaco-dépression et d'anxiété.

«De surcroît, le cannabis porté sur les épaules du tabac entretient la dépendance à celui-ci, rendant plus difficile encore le fait de s'en affranchir», soutient le Pr Jean Costentin (directeur de l'unité de neuropsychopharmacologie, CNRS, Rouen). «Au plan carcinologique, il y ajoute sa toxicité propre, car sa combustion génère quatre fois plus de goudrons.»

Désireuse d'enrayer la tendance dans une région où la prévalence de la consommation à l'âge de 17 ans est l'une des plus élevées de France (55% des garçons et 43% des filles), l'Union régionale des médecins libéraux de Haute et de Basse Normandie a, depuis l'année 2003, développé un partenariat avec le rectorat de Rouen sur les conséquences du cannabis pour la santé. 1 500 personnes ont bénéficié d'une formation scientifique – professeurs des sciences de la vie, médecins et infirmières scolaires, proviseurs –, des kits d'information ont été envoyés à 5 000 médecins libéraux et aux pharmaciens d'officine, 300 000 plaquettes ont été distribuées aux jeunes et à leurs parents. Enfin, une troupe théâtrale autour de «Miss cannabis et ses accros» relate des témoignages d'usagers et de parents qui bouleversent et questionnent le public. Tout cela pour tenter d'enrayer cette «épidémie». En sachant qu'il faut avertir les jeunes très tôt, dès le primaire, et ne pas hésiter à répéter et répéter encore l'information au cours de leur cursus.

Catherine Petitnicolas





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